Ouvrir l'espace de la conversation
L’un des axe fort de la refonte de la revue consiste à réinstaurer le concept original de la revue scientifique pour lequel l’acte de publication relevait davantage de la conversation au sein d’une communauté plutôt que du jalon professionnel dans une carrière de chercheur. Le biais institutionnel de la publication comme ultime objectif est bien connu, c’est le fameux « Publish or perish » qui ne permet plus de considérer la connaissance pour elle-même. Dans le projet très politique de Sens Public, il y eu, dès son origine, la volonté de se défaire de la « Communication scientifique » telle qu’instituée et légitimée par l’université, au profit de la « Conversation scientifique ».
La réflexion que je souhaite mener ici s’attaque à l’implémentation de cette « nature conversationnelle » dans le dispositif d’éditorialisation de la revue.
Éditorialiser le social
Post-intitulée « Éditorialiser le social », l’intervention1 d’Olivier Ertzscheid lors de la 6ème séance du séminaire #Edito17, vient à point nommé :
« Le résultat lisible et visible des processus d’éditorialisation dans les plateformes (c’est-à-dire ce que nous voyons au final sur nos murs ou nos fils Twitter) se joue “sur”, “au-dessus” et “autour” de l’algorithme, à un niveau “méta” donc, à partir :
- des valeurs (au sens informatique mais aussi “moral”) que celui-ci contient,
- du déterminisme que produisent ses différentes itérations
- de notre manière d’interagir avec lui.»
Dans le cas de la refonte Sens Public, il n’est pas question de mettre en place une éditorialisation algorithmique complexe et encore moins opaque. L’enjeu est justement ailleurs. Il sera plutôt question d’articuler la dimension sociale de la conversation avec la dimension éditoriale de la revue, et de distribuer en toute transparence la responsabilité des rôles entre la communauté, l’éditorial, et l’algorithme, lui-même au service des deux autres. Il faut ainsi appréhender l’algorithme non pas comme une machine, mais comme une écriture, d’origine humaine, c’est-à-dire censée et porteuse de sens, au même titre que les deux autres, mais dont une des particularités est d’être performée par la machine.
On retrouve la relation à trois identifiée par Olivier Ertzscheid qu’il schématise ainsi :
“Triangulation : communauté - média - technologie” (source : O. Ertzscheid)
Un site à deux entrées
Revenons alors à la question première : comment exprimer l’ADN de la revue dans son dispositif d’éditorialisation, ou encore comment y implémenter ses valeurs ? L’une des valeurs portée par la revue étant la primauté de la conversation scientifique, notre premier objectif consiste donc à lui ouvrir un espace au cœur de la revue. L’espace de la revue serait donc à partager entre les articles, artefacts traditionnels de la revue, et la conversation, dans un agencement encore à imaginer. Une approche très radicale tendrait sans doute donner à cette dernière tout l’espace.
La solution que nous envisageons tente d’instaurer une cohabitation radicale de deux espaces différents proposant en quelque sorte deux points d’entrée opposés sur la revue. L’un étant le point d’entrée documentaire, selon une organisation classique centrée sur l’article agencé en dossiers et rubriques. L’autre étant le point d’entrée social et conversationnel, agencé autour de problématiques soulevées par la revue. Pour nous aider à visualiser ces deux modalités de la revue, on peut les penser comme les deux faces indissociables et complémentaires d’une même pièce, qu’il suffirait de retourner dans un sens ou dans l’autre selon la vue à laquelle on souhaite accéder.
Bien entendu, ces deux faces du même site sous-tendent un réseau de données liées et des passerelles de l’une à l’autre jalonnant les interfaces du site. C’est tout l’enjeu de cette éditorialisation à double entrée, dont nous allons tenter d’en dessiner les contours (dans un prochain post).
Olivier Ertzscheid, « Editorialiser le social », au séminaire Écritures numériques et éditorialisation, séance Plateformes et production de contenu : entre créativité et contrôle, Paris/Montréal, 20-04-2017. Archive vidéo. ↩