La conversation comme processus, dispositif et format

Conversation sur SP

Dans Sens Public, ce qu’on appelle «la conversation» sera tout à la fois un processus, un dispositif et un format.

  1. un processus: c’est celui de la dynamique d’écriture, de réécriture, d’interprétation, de controverse, on pourrait parler d’une herméneutique collective, si construction du collectif il y a.
  2. un dispositif: ce sont les différents procédés qui sont mis à disposition pour écrire, lire et réécrire.
  3. un format: c’est l’idée d’une certaine formalisation de la conversation basée sur l’hybridation de plusieurs modèles : le microblogging (twitter), l’agrégation de ressources (storify), la recommandation communautaire (reddit ou stackoverflow). Ce format est appelé à devenir au sein de la revue un objet éditorial au même titre que l’article ou le dossier thématique.

Mais au-delà de la conversation formalisée dans un nouvel artefact de communication scientifique1, c’est toute la revue qui doit incarner ce dispositif conversationnel, dans la mesure où on souhaite que l’espace de la revue devienne un espace d’échange autant que de publication, et ce en multipliant les formes d’écritures, et en en fluidifiant les protocoles. Il doit y en avoir pour tous les goûts, toutes les formes et toutes les temporalités. C’est pourquoi il ne doit pas y avoir un dispositif conversationnel, mais plusieurs, multipliant les lieux et les possibilités de la conversation.

On pourrait alors localiser celle-ci à plusieurs endroits dans la revue, concrétisés par des dispositifs précis :

  1. en marge d’un article, à travers les annotations d’article
  2. sur la page utilisateur, à travers les posts de blog des utilisateurs (lecteurs, auteurs, éditeurs).
  3. les “conversations” formalisées, intégrant elles-mêmes plusieurs formes d’écritures et d’éditorialisation : microblogging, aggregating, tagging, voting, collecting.

Finalement, ce qu’on appelle conversation relève d’une dynamique de circulation et de réécriture. La circulation consiste pour un fragment (ou une ressource) à être extrait de son contexte pour être recontextualisé ailleurs (processus de redocumentarisation). Accompagné ou non d’un commentaire, d’un mot-clé, ou en général d’une glose, ces circulations sont effectivement des réécritures.

C’est exactement ce que décrit Louise Merzeau dans ses articles sur le dispositif d’éditorialisation collaborative d’un évenement2, et ce que j’ai tenté d’analyser dans un article à paraître, où j’introduis l’idée d’une herméneutique collective.

Ainsi, ce qui semble devoir primer lorsque l’on conçoit «la conversation sur Sens Public», c’est la possibilité même de circuler, c’est-à-dire d’extraire des fragments et de les republier ailleurs, que ce soit dans une conversation formalisée, dans un post de blog, dans un tweet, dans une collection.

Le design de la conversation passe avant tout par celui de la segmentation, indexation et circulation, au sens de la republication. Il faut imaginer une sorte de copier-coller capable de conserver le lien à la source. Hypothes.is remplit exactement cette fonction dans le cas d’un texte publié en ligne. Le modèle de Storify est également inspirant, car il intègre dans un même environnement les fonctions de search, select, cut&paste, comment/annotate/storytelling à partir de plusieurs types de ressources : tweets, instagram, etc.

La conception et l’implémentation de ce super cut&paste accomplira déjà une moitié du chemin dans la mise en place d’un espace conversationnel, et sans doute la moitié la plus importante. La seconde moitié relève de l’organisation de la conversation, c’est-à-dire de la définition des modalités de circulation et de réécriture. La conversation formalisée, ou la conversation en tant qu’objet éditorial au même titre qu’un article ou qu’un dossier, est une forme d’organisation de la conversation parmis un “archipel” d’autres dispositifs.

  1. Deux articles en cours d’évaluation développe cet aspect-là. 

  2. voir Merzeau, Louise. 2013. “Éditorialisation collaborative d’un événement.” Communication et organisation, no. 43: p.105–22. https://doi.org/10.4000/communicationorganisation.4158.